
Chaque mois, les membres de l’association Sabine invitent les cyclistes de l’agglo de Rouen (Seine-Maritime) à une rencontre informelle, un temps pour parler de l’expérience de leurs déplacements quotidiens. (©Mathieu Normand/76actu)
« Bonjour, je m’appelle David. Ça fait un an et demi que j’ai abandonné la voiture et je suis très content. » Le petit tour de table instauré jeudi 10 janvier 2019 en préambule au café-vélo de l’association Sabine à Rouen (Seine-Maritime) sonne parfois comme une réunion des cyclistes anonymes. Mais cette rencontre devant une tasse de thé, de café, une bière ou un diabolo menthe va bien plus loin.
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En plus de donner de la visibilité à Sabine, elle permet chaque mois aux novices comme aux cyclistes aguerris de partager leurs expériences d’usagers de la route, de se donner des tuyaux pour leurs déplacements quotidiens, d’évoquer leurs difficultés pour chercher ensemble des solutions. Et surtout, de se réunir autour d’une même passion.
Une réunion informelle et conviviale
Ce premier café-vélo de l’année se déroule dans un bar de la place de la Pucelle, au premier étage, où les chaises manquent pour accueillir tout le monde. Plus d’une trentaine de personnes ont fait le déplacement. « D’habitude, on est environ dix ou quinze, raconte Antoine. Je crois qu’aujourd’hui, c’est un record. » Il y a quelques retraités, des actifs et même des plus jeunes comme Laurine, 17 ans.
Acquise à « la cause », elle s’est lancée dans le vélotaf — les trajets domicile-travail — pour se rendre au lycée. C’est devenu sa passion, à tel point qu’elle partage ses sorties en vidéo et décortique leurs côtés agréables, mais aussi les problèmes d’aménagements et de comportements. « Mon pseudo sur Youtube, c’est The Kiche. À cause de mon prénom (La quiche Laurine) », raconte-t-elle au groupe.
• VIDEO. Sur Youtube, Laurine raconte ses sorties quotidienne à vélo dans Rouen :
Les membres du conseil d’administration présentent leur association, mais le but n’est pas forcément de recruter, plutôt de créer du lien entre les cyclistes. Pas besoin d’attendre les premières gorgées de bière pour que les langues se délient. Les discussions partent spontanément en petit groupe ou avec le voisin. On parle de ce dont on a envie. Il n’y a pas d’ordre du jour. Ce format un peu fouillis, mais très détendu séduit, comme l’explique Michèle, membre de l’association qui exerce le métier de vélo-taxi:
Je pense que ce côté informel et convivial plaît. On voit des gens nouveaux, il y a pas mal de filles aussi. Certains participants adhèrent ensuite à l’association, d’autres non, ce qui ne les empêchent pas de revenir. Il n’y a pas d’obligation.
À Rouen, tout est fait pour la bagnole
Cette soirée constitue aussi un bon exutoire. Les usages divergent selon chacun : loisir, déplacement quotidien pour le travail ou le sport. Mais au moins ici, tout le monde sait ce que ça fait de se trouver dans la peau d’un cycliste. Et ça, ça fait du bien à une majorité des participants, qui disent ne pas être compris et entendus, notamment par les collectivités. Nombre d’entre eux partagent le même avis : « à Rouen, tout est fait pour la bagnole ».
Alors certains se prennent à rêver un temps des villes du Nord ou d’Amsterdam, où les cyclistes sont nombreux, respectés et disposent d’aménagements aux petits oignons. Puis on revient à une réalité quotidienne aux antipodes, marquée par l’insécurité. Un vrai problème qui rebute de potentiels cyclistes. « C’est très difficile pour un grand débutant de lire l’espace public, détaille Guillaume. Il est facile d’être complètement confus, cela empêche de profiter. » Frédéric, cycliste confirmé et compétiteur enchaîne :
Je suis tendu quand je sors à vélo avec mes enfants, parce que j’ai peur pour leur sécurité. Ce sentiment finit par se transmettre à eux alors que ça devrait être un bon moment.
« Ici, on est positif »
Certains ont même été victime d’accident, comme Nicolas. Il en garde un traumatisme et pour l’instant reste un « ex-vélotafeur ». Il a tout raconté sur un site internet. La pollution des pots d’échappement, l’incivilité des gens qui insultent et crachent ou se garent sur les pistes cyclables occupent aussi les esprits.
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Heureusement, de nombreux petits plaisirs l’emportent sur le reste. Comme le sentiment de faire du bien à la planète, de remonter toute une file de voiture embouteillée, de filer naturellement à travers les petites rues, de penser « aux kilos qui s’envolent à chaque coup de pédale » et même, pour certains, la conduite sportive et active imposée par la circulation urbaine.
Tout cela finit même par rendre accro. En tout cas, ça donne le sourire. « Ici, on préfère rester positif », s’amusent plusieurs membres de l’association, comme une boutade à la dernière interview de Frédéric Sanchez en trois volets sur la mobilité. Avec le café-vélo, ils espèrent encourager de plus en plus de monde à choisir le deux-roues pour se déplacer. La rencontre de ce soir a été un succès. Pour certains, elle s’est même prolongée jusque dans un restaurant de la ville.
Infos pratiques :
Le café-vélo de l’association Sabine se tient à Rouen tous les mois. Pour plus d’informations, consultez la page Facebook ou le site de l’association.